vendredi 19 octobre 2018

Gestion de l’energie à bord

Chose promise, chose due ! Je vous ai parlé récemment de ma façon de gérer l'eau au cours de ce beau périple. Dans le même esprit, aujourd'hui je vais aborder le thème de l'énergie à bord. Autre vaste domaine qui va, encore une fois, être traité de façon légèrement différente d'un bateau à l'autre mais toujours avec une problématique commune à la base.

Notre principale source d'énergie, il va sans dire, c'est le vent. Le propre d'un voilier est bien sûr d'utiliser ce vent pour avancer. On pourrait en rester là - tout serait dit - et nous glorifier orgueilleusement en clamant haut et fort que nous n'avons besoin de rien d'autre. Nous serions ainsi les rois du bilan carbone. Mais nos voiliers sont également équipés de plus en plus de « trucs » qui se sont rendus « indispensables » pour assurer notre petit confort. Mais au fait, comment faisait-on avant ? Tous ces « machins » ont besoin d'électricité pour fonctionner et c'est ici que les ennuis commencent. Parce qu'il n'y a pas d'autres mots pour parler d'électricité à bord. C'est une vraie source de problèmes. Il y a deux principales raisons à ça : l'humidité permanente et les secousses. Oui, pour faire simple, un voilier ça trempe dans l'eau et ça bouge tout le temps, pour bénéficier d'un bon circuit électrique il existe de meilleures conditions !

Mais commençons par le début et faisons notre « bilan électrique ». Qu'est ce que c'est que ça encore ? Pour faire simple, il faut savoir combien on a besoin d'électricité par jour. Rappeler vous, les fameux Ampères. Ce sont les batteries qui vont nous les fournir, il faudra donc disposer d'un nombre suffisant pour faire fonctionner tout cela. Et enfin il faudra être capable de recharger ces batteries au fur et à mesure. 
Pour calculer le besoin en électricité il faut connaitre la consommation des appareils utilisés et leur temps de fonctionnement dans la journée. Le parc batteries doit être égal à 4 fois cette consommation journalière. Et enfin, le "must" est de profiter d'installations adéquates pour assurer la charge. 
Comparons un peu tout cela avec le fonctionnement de notre voiture. Celle-ci dispose d'une batterie qui permet de démarrer le moteur et de faire fonctionner les phares, essuie-glaces et autres auto-radio. C'est l'alternateur couplé au moteur qui assure la charge de cette batterie. Sur un voilier le principe général est le même. Il y a aussi un alternateur bien sûr ! Il serait largement suffisant pour la navigation côtière. Quand le moteur tourne et recharge en même temps les batteries, le tour est joué !
En revanche sur un voilier qui part faire le tour du monde pendant 300 jours, on ne peut pas se contenter de l'alternateur pour recharger les batteries. Il nous faudrait une quantité de gaz-oil énorme et bonjour notre fameux bilan carbone dont nous étions si fier au départ ! Cet alternateur, on se le garde en ultra grand secours au cas où ... Pour recharger les batteries sur un voilier, on peut utiliser aussi des panneaux solaires, une éolienne ou encore un hydrogénérateur. Il existe également des systèmes d'alternateurs attelés à la ligne d'arbre. Là encore il faut faire des calculs pour savoir si tout ça nous permettrait de suffisamment charger nos batteries. Les panneaux solaires ont besoin de soleil, Lapalisse n'aurait pas dit mieux ! L' éolienne a besoin de vent et l'hydrogénérateur a besoin de vitesse pour fonctionner. Il faudra donc s'équiper en bonne connaissance de cause.

Quelques chiffres pour les puristes : dans le cadre de La Longue Route, Chanik a besoin de 100 Ampères par jour pour faire fonctionner le pilote automatique (le plus gros consommateur d'électricité), les appareils et feux de navigation ainsi que l'éclairage et autres petits accessoires. Il n'y a ni frigo, ni chauffage, ni dessalinisateur qui sont de gros consommateurs, eux aussi, d'énergie. C'est un choix assumé. Pour fournir cette énergie, je dispose quand même d'un parc de 4 batteries de 100 Ampères chacune. Le moteur qui ne tourne jamais - ah ça y est, j'ai retrouvé la fierté de mon bilan carbone - dispose de sa propre batterie pour son démarrage. Pour charger les batteries j'ai 200 Watts de panneaux solaires, une éolienne (dont j'ai déjà cassé deux pales mais qui fonctionne malgré tout, un peu moins bien c'est certain !) et un hydrogénérateur dont je ne me sers que très rarement, en grand secours. 

Au final, comme pour l'eau, il faudra savoir être économe et ne pas gaspiller son électricité. Un bon contrôleur devient un accessoire très pratique pour connaitre en permanence l'état de sa consommation.

Nb : je n'ai pas trouvé de petit nom sympa pour l'installation électrique. Buzz, peut-être ! comme « Buzz l'éclair » ... mais il doit y avoir mieux. Je vous laisse y réfléchir. Vous pouvez me soumettre le fruit de vos réflexions. Le gagnant aura droit à ... là c'est moi qui vais réfléchir !

En attendant Chanik et moi nous approchons tranquillement de l'Australie. Le Cap Leeuwin n'est plus très loin. Mais je vous en parlerai à ce moment là. D'ici là, vous pouvez toujours suivre notre position sur les cartes ...

A bientôt,

samedi 13 octobre 2018

"Claire"

 Nous sommes au 100 ème jour de mer et nous nous approchons tranquillement de la longitude du Cap Leeuwin, au sud est de l’Australie, deuxième grande étape du parcours. Je pense y arriver dans une dizaine de jours. En attendant, Chanik et moi progressons assez bien en ce moment. Je profite d’un bon vent portant qui souffle entre 20 et 30 noeuds et la mer qui va avec. Ce qui nous fait beaucoup rouler. Tout va bien à bord avec un peu de bricolage quand même : je suis en train de réparer le support du vérin hydraulique de « Laurent », mon deuxième pilote automatique. Il a lâché il y a 3 jours. Démontage, ponçage, grattage, sciage, stratification ... de quoi bien s’occuper dans des conditions un peu rock’n roll ! Remontage du support prévu dès que la mer se sera calmée. En ce moment nous subissons une houle de 4 mètres. Voilà pour les nouvelles du jour ... Et sinon, quel peut bien être le quotidien d’un marin de La Longue Route ? Bien entendu son objectif principal est de faire avancer son bateau au mieux pour boucler cet énorme parcours.Navigation, analyse météo, routage et réglages des voiles permettent tout cela. Mais pour le reste, ça se passe comment ? Comment vit-on en mer, tout seul lorsque l’on part réaliser un parcours aussi long ? Excellente question ! Le grand principe, en fait, est d’arriver à rester en autonomie complète dans tous les domaines. En plus de devoir faire face aux problèmes techniques, le bonhomme doit aussi gérer tout seul son alimentation, son sommeil, sa santé, ses craintes, son moral et aussi ses loisirs. Les besoins en eau et en énergie sont des domaines qu’il faut avoir anticipés.
 Pour répondre directement à une question de Serge, j’ai décidé aujourd’hui de vous parler de la gestion de l’eau à bord. Vaste sujet car si nous avons tous les mêmes besoins, chacun des participants à La Longue Route gère cette question de façon différente. Il nous faut boire, faire la cuisine et éventuellement nous laver. Serge énumérait les besoins d’un homme à terre : « ... j'ai calculé que par jour il faut boire 1,5l + la cuisine 0.5l + la toilette 3l ça fait 5l minimum par jour. Ça fait peu, ça serait plus 10l par jour. Mais vu le contexte je t'accorde 7l/jour. En prévision de 300j de mer il t'a fallu embarquer 2100 l. Et là je suis perplexe ... ». Effectivement il y a de quoi l’être. Impossible d’embarquer autant d’eau sur nos petits voiliers. Il y a la solution évidente d’utiliser un « déssalinisateur ». Dans le nautisme, il y en a maintenant de très bons qui savent produire 4 à 5 litres d’eau douce à l’heure à partir de l’eau de mer. Ce système est basé sur le principe de l’osmose. Certains d’entre nous en sont équipés. C’est toutefois une installation complexe, coûteuse et gourmande en énergie. Et c’est pour toutes ces raisons que j’ai décidé de ne pas m’en équiper. Il faut donc faire autrement mais surtout faire déjà très attention à sa consommation et éviter le gaspillage. J’ai prévu d’utiliser 3 litres d’eau douce par jour, tous besoins confondus. Ce qui représente 900 litres pour 300 jours de mer. A bord, je dispose de 300 litres dans mes cuves et j’ai embarqué 300 litres d’eau minérale en bonbonne. Ce qui fait un total de 600 litres disponibles à bord au départ. Il me manque donc 300 litres que je compte récupérer avec la pluie. Avant le départ, je me suis confectionné une bâche spéciale qui me permet cela. J’ai d’ailleurs surnommé mon installation « Claire » ... comme "à la claire fontaine"...! Bref ! Je ne vous cache pas que l’utilisation de ce système est un peu compliquée surtout quand il y a beaucoup de vent comme en ce moment. Le rendement n’est pas très bon et il faut accepter d’aller se faire tremper pour l’utiliser ... On ne parle ici que de l’eau douce. Heureusement, on dispose d’eau de mer à profusion. Ce qui permet de faire fonctionner les toilettes, de faire la vaisselle et de l’utiliser aussi un peu en cuisine. Je vous parlerai, une autre fois de la gestion de l’énergie ...