vendredi 28 septembre 2018

Raymond, Laurent, Leslie et autres barreurs ...

Une navigation en solitaire, aussi longue soit-elle comme peut l'être celle-ci par exemple, oblige son skipper à prendre un certain nombre de dispositions. Le pilotage du bateau est un des domaines importants à bien anticiper. En équipage le problème est assez simple, les marins se relaient en permanence, ils « prennent le quart » à tour de rôle et peuvent barrer pour diriger le bateau. En revanche, le solitaire doit tout faire tout seul à bord, toutes les tâches nécessaires à la bonne marche du bateau, les manoeuvres de voiles, étudier la navigation et la météo, faire le routage, mais aussi il doit prendre du temps pour lui, pour se restaurer, dormir, etc, ... Il ne peut donc pas rester tout le temps derrière sa barre. Il a besoin d'un équipement adéquat qui prend le relais. 
Si je donne l'impression d'enfoncer ici des portes ouvertes à évoquer un sujet aussi évident que le pilotage automatique, c'est pour montrer l'importance qu'il revêt dans le cas d'une navigation extrême en solitaire.
En 1895, Josuha Slocum utilisait un simple bout qu'il amarrait autour de la barre pour maintenir le cap du « Spay » lors de son tour du monde en solitaire. Pour sa « Longue Route » en 1968, Bernard Moitessier avait équipé son « Joshua », d'un régulateur d'allure. Aujourd'hui nous avons tous un pilote automatique sur nos voiliers. 
L'évolution des technologies a grandement facilité la pratique de la plaisance dans beaucoup de domaines comme par exemple celui des communications, de la cartographie électronique, du GPS et aussi de l'enrouleur de génois. Le pilotage automatique en a aussi pleinement bénéficié. Mais voilà, la face cachée de la lune, l'électronique et la mer ne font pas bon ménage. Les pilotes automatiques, comme tous les autres appareils à bord sont sensibles à l'humidité, à des connexions mal faites qui ne vieillissent pas bien ou encore aux mouvements violents que peut subir un bateau à cause du mauvais temps. Tout cela provoque des faux contacts ou de nombreuses pannes.
On imagine bien, dans ces conditions, que pour partir autour du monde en solitaire en voilier il faut être sûr de la fiabilité de son pilote automatique, de son « équipier », je devrais dire ! 
En ce qui me concerne, j'ai fait le choix d'équiper Chanik de deux pilotes automatiques et d'un régulateur d'allure. De plus, sur mon régulateur d'allure, j'ai opté pour une option supplémentaire, l'utilisation possible d'un tout petit pilote de barre franche connecté sur le système de drosses. Ce pilote remplace l'aérien dans ses conditions limites d'utilisation.
Chacun de ces 4 pilotes ont tous leurs avantages mais aussi leurs défauts. Pour déléguer ce genre de tâche de façon plus humaine, je me suis amusé à leur attribuer un petit nom à chacun. Il y a d'abord « Raymond » qui a déjà de nombreux milles au compteur. C'est lui qui m'a emmené faire le tour de l'Amérique du sud en 2012. Nous avons passé le Cap Horn ensemble dans des conditions épouvantables. Pendant cette période, j'ai passé beaucoup de temps à le réparer, à le maintenir en état et au final il est encore là, toujours fidèle au poste. Il reste encore aujourd'hui, mon petit préféré ! Depuis, j'ai installé un régulateur d'allure en 2013, au Brésil, avant de ramener Chanik en France. A la suite des nombreuses pannes de Raymond, j'ai préféré le seconder par ce système entièrement mécanique qui a déjà fait ses preuves dans le nautisme depuis plus de 50 ans. Son fonctionnement, essentiellement mécanique, demande quand même une certaine habitude dans son utilisation. De plus son rendement n'est pas optimal dans tous les temps. En revanche, lors de son fonctionnement, plus de problèmes électroniques, il ne consomme aucune électricité à la différence des autres. Son concepteur, Yves Gélinas, l'avait déjà baptisé « Cap Horn ». Quel joli nom ! Le petit pilote en option qui se connecte dessus a reçu le surnom de « Leslie ». Peu gourmand en électricité je lui ai attribué un rôle de grand secours. Et enfin il ne faut pas que j'oublie de vous parler du « petit » dernier qui est en fait une vraie bête de course : « Laurent » est très puissant mais il est aussi très gourmand en électricité, ce qui fait que je ne l'utilise pas beaucoup. Je reviendrai d'ailleurs, plus tard sur ce sujet de l'autonomie en électricité. J'ai donc un équipage de quatre marins qui peuvent « prendre la barre ». L'idéal pour un solitaire ! Imaginez les concurrents de la GGR qui ne peuvent utiliser que le régulateur d'allure.
Depuis le départ, Raymond et le Cap Horn se relaient très souvent mais je ne vous cache pas que j'aime beaucoup barrer aussi. Je veux bien passer pour un fou car aujourd'hui plus personne ne barre. Le pilote automatique a rendu le marin feignant ! A bord, il m'arrive d'y passer plusieurs heures par jour. J'adore ça! C'est à la barre que je vois tout, que je ressens tout. C'est à ce moment là que Chanik me parle. Moment de fusion entre nous. Elle me dit si les voiles sont bien réglées ou si la mer n'est pas trop mauvaise pour elle. Elle me transmet sa joie de filer à toute allure dans les vagues, à vouloir tracer son sillon dans la lame, l'écume jaillissant de l'étrave. Elle me fait partager son bonheur à dévaler les pentes des grosses vagues et m'emporte avec elle dans des surfs endiablés. Au bout d'un moment elle sait aussi me fait sentir « ça va bien l'ami, tu peux me laisser seule avec Raymond maintenant et aller vaquer à tes occupations, on a bien la situation en main tous les deux».
Aujourd'hui, ils sont encore très vaillants tous les quatre. Je touche du bois ...
Je me souviens (Hé papy !) d'une des premières chansons de marin que j'ai apprises en rentrant dans la Marine, en ... il y a 40 ans déjà ? la vache ! comme le temps passe vite ! J'ai l'impression que c'était encore hier ... cette chanson donc, faisait comme ça : 
« ... Hé garçon prends la barre,
Vire au vent et largue les ris ... ».

J'avais 20 ans, ... on ne se refait pas !

4 commentaires:

  1. Bon voyage à vous 4 marins, et vivez toutes ces sensations fortes aux côtés du beau et fidèle Chanik !
    Océane

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  2. En oui François, 40 ans pour toi, 50 pour moi et 30 ans que l'on ne s'est pas revu mais les souvenirs sont comme d'hier. Je suis admiratif pour ce que tu es entrain de faire.

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  3. Tiens bon,la barre et tiens bon le vent ,hisse et haut ,Fanchisco...

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  4. Tiens bon,la barre et tiens bon le vent ,hisse et haut ,Fanchisco...

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